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Gestion des eaux souterraines : l’apport des communs

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Date de début du projet
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2018État
Achevé
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Date de fin du projet
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2022
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Pays et Région
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Localisation
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Chili, Espagne, France, Inde, Jordanie, Maroc, Sénégal, Tunisie, Turquie
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Programme de recherche
La dégradation croissante des eaux souterraines à l’échelle mondiale et leur surexploitation entraînent la multiplication de situations locales dramatiques. Les pompages privés pour l’irrigation se sont systématisés dans des contextes peu régulés. L’objectif de ce travail collectif est de proposer des pistes pour dépasser les difficultés techniques et institutionnelles aujourd’hui rencontrées dans la gouvernance de ces eaux souterraines.
Contexte
L'utilisation des eaux souterraines pour l'agriculture a explosé dans la seconde moitié du XXème siècle. Elles sont massivement et de plus en plus utilisées pour alimenter l'agriculture, l'industrie et l'eau potable des villes. Leur gouvernance exige une réflexion sérieuse pour les protéger et assurer une utilisation durable.
Ce travail de recherche vise à contribuer au débat sur la préservation des eaux souterraines, en se concentrant sur l'utilisation agricole qui en est faite. Une proportion croissante de la superficie des terres irriguées dans le monde - actuellement d'environ 40 % - dépend en effet de cette ressource. De plus, l'utilisation accrue des eaux souterraines est souvent liée à l'intensification de l'agriculture, ce qui explique que l'agriculture représente aujourd’hui 70 % des prélèvements mondiaux d'eau souterraine, ce qui en fait une ressource stratégique.
La dynamique de l'utilisation des eaux souterraines agricoles est déterminée par le rendement économique qu'elles procurent ainsi qu'un accès relativement facile et sûr aux ressources en eau. Or, la surexploitation des eaux souterraines (prélèvements au-delà des seuils de renouvellement des nappes) peut se traduire par la perte d'écosystèmes ou par l’exclusion des agriculteurs les plus pauvres, creusant ainsi les inégalités économiques et sociales.
Les solutions classiques proposées pour contrôler et limiter les prélèvements d'eau souterraine au niveau institutionnel combinent généralement :
- Des instruments réglementaires (permis, interdictions, quotas, zonage, fermeture de puits), des instruments économiques (redevances, subventions) ou des mesures indirectes liant l'eau à d'autres enjeux (énergie, sécurité alimentaire) ;
- Des mécanismes participatifs impliquant tous les usagers de l'eau par le biais de mécanismes de gestion communautaires ou d'autres arrangements contractuels.
De telles solutions se heurtent souvent à des obstacles opérationnels, financiers, sociaux, culturels, voire politiques. Plus important encore, ils remettent rarement en question les systèmes agricoles intensifs qui sous-tendent la demande croissante d'eau souterraine. Ces solutions peuvent ainsi s'enliser dans les contradictions des politiques publiques en visant, d'une part, à réduire le pompage des eaux souterraines pour limiter les conséquences environnementales et sociales d'une utilisation intensive, tout en maintenant, d'autre part, le niveau actuel de prélèvement pour « acheter » la paix sociale, voire encourager le développement de nouvelles sources d'approvisionnement en eau pour renforcer des modes d'agriculture capitaliste et entrepreneuriale.
Ces limites impliquent donc de repenser la gouvernance des eaux souterraines, entendue ici comme le cadre général des lois, réglementations et coutumes relatives à l'utilisation des eaux souterraines, ainsi que les processus d'engagement du secteur public, du secteur privé et de la société civile.
Objectif
Les travaux académiques sur la gouvernance des eaux souterraines sont aujourd'hui bien développés, et le sujet a connu un regain d'intérêt ces dernières années avec la publication de nombreuses études et articles de synthèse. Cependant, il manque souvent, dans la littérature académique, un dialogue entre les scientifiques, les parties prenantes et les décideurs qui conduirait à des options crédibles d'action future et à des recommandations politiques.
L'objectif de ce travail collectif est triple :
- Présenter les moteurs de la crise actuelle des eaux souterraines ;
- Passer en revue les solutions généralement proposées ;
- Discuter des voies possibles pour aller de l'avant.
Méthode
Le travail collectif s’est basé sur des échanges entre scientifiques et experts opérationnels travaillant dans le domaine de la gouvernance des eaux souterraines réunis par l'AFD et le Comité scientifique et technique de l'eau en agriculture (Costea).
Deux ateliers ont eu lieu – en novembre 2018 et janvier 2020 – pour évaluer les différentes expériences de gouvernance des eaux souterraines en agriculture et trouver des moyens de les améliorer. Les ateliers ont été construits sur un partage d'expériences. Le premier atelier s’est centré sur la présentation d'études de cas, suivie d'une comparaison et d'une discussion sur les tendances observables, les limites des modes de gouvernance actuels et les défis rencontrés pour les surmonter. Le deuxième atelier a été plus spécifiquement consacré à la conception de pistes de réflexion, sur la base de groupes thématiques et de points de vue multiples, en se concentrant sur la dimension collective de la gouvernance des eaux souterraines et en dépassant les spécificités de chaque étude de cas. Les chercheurs, praticiens et experts ont puisé dans leurs connaissances des contextes lors des ateliers.
Résultats
Ce travail collaboratif a conduit à la publication :
- Du policy brief « Prévenir la dégradation et la surexploitation des eaux souterraines : agir dès maintenant dans le secteur agricole »
- Du policy paper « Agir en commun pour un usage durable de l'eau agricole »
- De l'article académique « Learning from the past to build the future governance of groundwater use in agriculture », in Water International: Vol 46, No 7-8.
Enseignements
Quatre séries de recommandations émergent des travaux, développées dans les différentes publications :
- Construire des connaissances et des représentations partagées ;
- Mettre en place des solutions négociées ;
- Privilégier la construction du collectif avant d’envisager les solutions techniques ;
- Élaborer des instruments réglementaires légitimes localement.
A lire sur The Conversation France : Comment faire face à la surexploitation des eaux souterraines ?
Contacts :
- Stéphanie Leyronas, chargée de recherche à l'AFD
- Olivier Petit, économiste, Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé) - Université Lille/CNRS