Sénégal : l’entrepreneuriat féminin à l'honneur

Amy a eu l’intelligence et le courage d’être l’une des pionnières du recyclage plastique à Dakar. Son entreprise, Ecobag Recycling, traite quotidiennement une à quatre tonnes d’objets usés qui sont recyclés et destinés à un sort meilleur que l’enfouissement ou l’incinération, et donnent vie à de nombreux nouveaux objets utilitaires, comme des chaises. « Quand on voit la quantité de déchets non pris en charge dans ce pays, on se dit qu’il y a quelque chose à faire », avance la jeune femme.
Une détermination inflexible l’aide à dépasser les préjugés et les appréhensions du cabinet chargé de l’étude de faisabilité de son projet. Le créneau restait jusque-là inexploré. « C’est un secteur qui a une certaine connotation », concède Amy. Mais avec le changement des habitudes alimentaires, le plastique est de plus en plus utilisé et Ecobag voit le jour.

Dans son usine de traitement située à Keur Massar, en banlieue dakaroise, la quinzaine de femmes qui constituent majoritairement l’équipe d’Amy est à pied d’œuvre, entre machine broyeuse et énormes sacs de granulats. Amy trône maintenant sur l’empire du recyclage plastique dakarois. Déjà riche d’une formation académique en économie, gestion de projets et marketing, elle a pu renforcer son bagage grâce à l’appui du Pavie. Le programme l’a aidée à mieux structurer son entreprise, acquérir de nouveaux équipements, consolider des emplois existants et conquérir de nouveaux marchés. « Ce qui a été une motivation est devenu une passion à part entière. Je suis fière de participer à la création d’emplois et notamment d’emplois verts dans mon pays », se félicite Amy.

La plateforme Mburu (« pain » en wolof, principale langue du Sénégal) a une particularité remarquable : la chaîne de production est 100 % féminine. Mburu est une start-up spécialisée dans la production et la commercialisation de pains, viennoiseries et pâtisseries valorisant les matières premières locales (mil, maïs, sorgho, fruits de saison…).

De la commande des produits à la vente en passant par le stockage, tout le processus est non seulement digitalisé, mais aussi géré exclusivement par une cinquantaine de femmes. Une option choisie par Isseu Diop Sakho, la fondatrice de cette start-up, pour consolider la gamme d’opportunités économiques des femmes de sa localité d’origine, Mbour. « Au-delà des effets de mode, on a un réel besoin économique : les femmes font vivre les familles. Et elles réussissent une insertion professionnelle qui les aide dans le pilotage de leur vie », soutient Isseu.

L’ouverture d’un nouveau local à Dakar, dans le quartier résidentiel du Point E, vient étoffer un réseau de 25 points de vente. Cette réussite doit beaucoup à la vision claire de cette mère de deux enfants, docteur en finances. « Ce qu’il y a de moins évident avec un tel projet, c’est la barrière de l’analphabétisme, tant pour les équipes de production que les équipes commerciales. On a pu contourner cet obstacle avec des solutions digitales simples et la structuration de notre activité économique. » Une difficulté qu’elle a su transformer en opportunité, au bonheur des dames. Et des consommateurs.

« Je ne voulais pas être juste une salariée, je voulais impacter. » Le moins qu’on puisse dire, c’est que, depuis six ans, la cofondatrice de Dictaf Corporation, Dicko Sy, tient plutôt bien le pari de démocratiser l’agriculture de précision : « Notre rôle est de faire connaître les nouvelles techniques et pratiques agronomiques pour améliorer la productivité des agriculteurs. Le cœur de métier de Dictaf, c’est la formation et le renforcement de leurs capacités », explique-t-elle.

Le succès a vite été au rendez-vous malgré les problèmes de connectivité. L’application créée par Dictaf Corp., SOS Agri, est fonctionnelle en mode off line et héberge 10 000 agriculteurs. Et comme Dicko n’est pas adepte des solutions importées, le système voix de l’application propose deux langues locales.

« Miss Drone », comme on la surnomme, a aussi apporté une solution toute simple pour la supervision des grands périmètres champêtres : le survol par drone. Plus exhaustive, plus performante, plus économe en temps et en énergie, cette méthode permet d’avoir des données plus ciblées via des capteurs intégrés. Grâce à cette technologie, les agriculteurs peuvent aussi diagnostiquer plus tôt une maladie des plantes. Ce risque constitue le principal motif de sollicitation de SOS Agri pour éviter les pertes pré-récoltes. La jeune femme se positionne ainsi comme l’une des références sénégalaises pour l’agriculture de précision.

Dicko Sy, qui fait partie de la première promotion de la filière agronomie de l’université Gaston Berger de Saint-Louis, avait comme objectif de changer « ne serait-ce que d’1 % la manière de faire de l’agriculture » au Sénégal. Pari réussi, et plus encore : son application s’est déjà déployée en Guinée, en attendant une expansion prochaine dans les pays de l’Est africain.

L’alliance des forces entre l’AFD et le gouvernement sénégalais tente de faire bouger les lignes de l’accès au financement des micro, petites et moyennes entreprises (MPME). Le Programme d’appui et de valorisation des initiatives entrepreneuriales (Pavie) a deux objectifs : valoriser les initiatives portées par des femmes et des jeunes, notamment dans l’agriculture et l’artisanat, et appuyer les PME d’autres secteurs prioritaires. Avec un budget de 113 millions d’euros, la première phase (Pavie I) s’étale sur trois ans (2019-2022) et se concentre sur deux composantes : accompagner les MPME et renforcer les capacités de la DER, maîtresse d’ouvrage déléguée du projet.



Après une phase pandémique éprouvante, les aides versées dans le cadre du Pavie 1, à l’été 2021, ont soulagé les entreprises, comme en témoigne la fondatrice de la start-up Mburu (photo ci-contre), Isseu Diop Sakho : « Cet appui financier de l’AFD et de la DER nous a aidés à terminer les travaux de notre point de vente au Point E. Ceux-ci ont coûté très cher : plus de 120 millions de francs CFA (180 000 euros), juste pour le bâti. Les équipements aussi sont très chers. Le financement a permis de finaliser une grande partie des finitions pour lancer l’exploitation commerciale. »