Partager la page
« En Chine, l’AFD propose des solutions face aux enjeux globaux du climat et de la biodiversité »
Publié le

Depuis 2004, l’Agence française de développement (AFD) finance en Chine des projets de lutte contre le changement climatique et de préservation de la biodiversité. Pourquoi, à quelles conditions et avec quels résultats ? Entretien avec Yann Martres, directeur régional de l’AFD à Pékin.
bloc texte 1
Pourquoi l’AFD intervient-elle en Chine, deuxième puissance économique mondiale ?
Yann Martres : L’AFD intervient en Chine depuis 2004 sur le climat et la biodiversité, deux enjeux globaux majeurs qui sont essentiels pour la France et la Chine et au cœur du partenariat stratégique global entre les deux pays. Ils sont aussi en ligne avec les priorités de l’Union européenne.
En matière de climat, l’AFD soutient la transition énergétique de la Chine vers une économie sobre en carbone. L’enjeu est immense, la Chine étant aujourd’hui le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre après 30 années d’une forte croissance, non soutenable pour elle-même comme pour le monde entier. En matière de biodiversité, l’action de l’AFD vise à freiner la dégradation des écosystèmes et ses conséquences en Chine, qui est l’un des 17 pays de « méga-diversité » de la planète.
Lire aussi : La stratégie Chine 2020-2024 de l’AFD
Sur ces deux enjeux, qui concernent la Chine comme le reste du monde, la France et l’AFD ont des choses à dire, des solutions à proposer, une expérience et des idées à mettre en œuvre, avec des projets exemplaires, souvent pilotes, qui intéressent nos partenaires chinois. Par ailleurs, parce qu’elle est un bailleur reconnu à l’échelle internationale et crédible par son action en Chine, l’AFD noue progressivement des relations, des partenariats, et met en œuvre des actions concrètes avec les acteurs chinois du financement du développement. L'AFD promeut la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD), tout comme la vision française de l’aide au développement et de ses pratiques standards (en matière par exemple de passation de marchés, d’aide déliée, de diligences environnementales et sociales, de prise en compte des questions de dette). Ce travail est essentiel dans la mesure où la Chine est devenue un acteur très important sur la scène internationale, avec des investissements massifs, notamment en Afrique.
Ainsi, l’atténuation du changement climatique, la biodiversité et le développement de relations de coopération avec les acteurs de la Chine « hors de Chine » sont les trois axes de la stratégie de l’AFD en Chine. Les projets financés par l’AFD en Chine doivent, par leur exemplarité, illustrer concrètement, incarner, alimenter le dialogue de haut niveau entre les deux pays sur ces enjeux.
Quel bilan concret peut-on tirer de l’action de l’AFD ?
Depuis 2004, l’AFD a soutenu 44 projets en Chine pour un montant d’engagement total de 1,8 milliard d’euros. Pour accélérer la transition énergétique, l’AFD a financé 14 projets pilotes d’énergies renouvelables ou d’efficacité énergétique dans plusieurs provinces chinoises, en ciblant les approches et technologies les plus performantes et innovantes. C’est le cas par exemple des projets de création et réhabilitation de réseaux de chaleur financés à Jinan comme à Zibo dans la province du Shandong – qui ont permis d’importantes économies d’énergie – ou de valorisation énergétique des déchets alimentaires à Shaoyang, dans la province du Hunan.
C’est aussi le cas des lignes de crédit vertes mises à disposition des banques chinoises, ou encore de l’appui au fonds d’investissement créé par la province du Shandong pour financer les investissements climat dans la province, en cofinancement avec la Banque asiatique de développement, la KfW et le Fonds vert pour le climat, dont c’était la première intervention en Chine.
Pour préserver la biodiversité, l’AFD a financé le développement d’une dizaine de projets contribuant à la conservation et à la restauration écologique : restauration de zones humides dans les provinces du Liaoning et du Hunan, reforestation dans les provinces du Yunnan et de l’Anhui, ou encore protection, restauration et valorisation du patrimoine naturel et culturel exceptionnel dans la province de Zhejiang, à Xianju. Ce dernier projet a notamment donné l’occasion de mettre en place un partenariat avec le Parc naturel régional (PNR) des Ballons des Vosges, qui permet de diffuser le modèle français de PNR.
L’intervention de l'AFD en Chine apporte des solutions concrètes à des problèmes concrets, et permet de montrer que des solutions innovantes et durables sont possibles pour faire face aux enjeux globaux. Les projets financés ont systématiquement mobilisé l’expertise des entreprises françaises dont la demande est forte en Chine sur les créneaux où elle est reconnue. Par ailleurs, l’AFD multiplie les initiatives (séminaire, formation, assistance technique…) pour contribuer, aux côtés des autorités françaises, au dialogue de politique publique entre les deux pays. Toutes ces actions, du local au global, ont nourri et continuent de nourrir la contribution des deux pays à l’agenda international sur le climat et la biodiversité.
Cette intervention de l’AFD a-t-elle un coût budgétaire pour la France ?
La réponse est clairement non. L’AFD finance des projets en Chine en accordant des prêts à l’État chinois. Ces prêts souverains se font aux conditions du marché. Cette activité est donc rémunératrice pour l’AFD.
Par ailleurs, il n’y a pas de mobilisation de subventions pour l’activité de l’AFD en Chine, à part, épisodiquement, pour le financement des études de faisabilité de projets. Le recours aux guichets de l’Union européenne est privilégié pour les subventions : l’AFD a ainsi récemment signé une première convention de délégation de fonds de l’UE sur la biodiversité.
Pourquoi travailler avec les acteurs chinois du développement actifs hors de Chine ?
La Chine est aujourd’hui un acteur important du financement international, avec en particulier des grands projets d’infrastructure dans des pays où intervient aussi l’AFD, notamment en Afrique ou en Eurasie dans le cadre de son initiative des Nouvelles Routes de la soie (Belt and Road Initiative, BRI). Comprendre, connaître et dialoguer avec les acteurs chinois actifs à l’international est dès lors essentiel. Pour un acteur comme l’AFD, cela passe bien par la co-construction d’actions sur le terrain, et la mise en œuvre de « preuves » tangibles qu’une coopération est possible sur la base des meilleurs standards.
Lire aussi : À Pékin, une rencontre pour sensibiliser sur la finance verte
Parmi les bailleurs chinois majeurs figure la China Development Bank (CDB) qui est la plus importante institution financière de développement au monde par la taille de son bilan. En janvier 2018, lors de la visite du président Macron en Chine, l’AFD et la CDB ont signé un accord de coopération autour d’un dialogue stratégique et analytique bilatéral, avec une implication accrue de la CDB au sein de l’IDFC, le Club des banques de développement présidé par l’AFD.
Ce partenariat s’est déjà traduit par la co-organisation d’une conférence de recherches avec l’Institute of New Structural Economics de l’université de Pékin en mai 2019, avec qui a été ensuite développée une base de données des banques de développement rendue publique pour la première fois en novembre lors du sommet Finance en Commun. Ce partenariat se traduit surtout par des perspectives de cofinancement en Afrique. Un projet est ainsi en cours d’instruction au Sénégal à la demande des autorités sénégalaises, avec des discussions tripartites AFD-CDB-UE bien engagées. Il s’agirait de la première opération de cofinancement avec une institution financière chinoise, respectant les meilleurs standards. C’est une étape très importante.