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5 choses à savoir sur le sommet pour un Nouveau pacte financier mondial
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Comment mieux soutenir financièrement les pays les plus vulnérables, particulièrement touchés par les multiples crises, climatique, sanitaire, énergétique et économique ? Pour répondre à cette question, le sommet pour un Nouveau pacte financier mondial, organisé à Paris les 22 et 23 juin, a pour ambition d’avancer vers plusieurs objectifs, comme réformer les institutions financières, trouver de nouvelles sources de financement ou encore proposer des mécanismes innovants, notamment pour l’allègement de la dette. Décryptage en cinq points de ce sommet pas comme les autres, avec les Objectifs de développement durable en ligne de mire.
Pourquoi organiser le sommet pour un Nouveau pacte financier mondial ?
La solidarité financière internationale repose encore aujourd’hui sur la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), nés en 1944 avec les accords de Bretton Woods. Face à l’émergence de nombreux pays depuis, à l’évolution de l’équilibre géopolitique mondial et aux nouveaux défis à relever, ces institutions doivent être réformées et les mécanismes financiers existants évoluer.
Selon Thomas Melonio, directeur exécutif de l'Innovation, de la stratégie et de la recherche à l’Agence française de développement (AFD), « il y a un enjeu à recréer de la confiance au niveau international. Cette confiance a été érodée en raison, notamment, de la difficulté à atteindre jusqu'à récemment les 100 milliards d’euros annuels pour la finance climat et des interrogations fortes quant à la lutte contre la crise du Covid-19. On observe par ailleurs une accélération des impacts du changement climatique, ce qui entraîne un risque de repli sur soi de certains pays. Il y a donc urgence à renforcer les coopérations internationales. »
Le sommet pour un Nouveau pacte financier réunira une centaine de chefs d’État et de gouvernement, des dirigeants de banques multilatérales de développement, 120 ONG, 70 partenaires du secteur privé, 40 organisations internationales… Ils débattront autour de six tables rondes afin de définir les bases d’un nouveau système financier.
Quels sont les principaux objectifs du sommet ?
Depuis plusieurs mois, quatre groupes de travail discutent des quatre grands objectifs de ce sommet :
- Redonner un espace budgétaire aux pays qui font face à des situations difficiles à court terme, notamment les pays les plus endettés
Le premier objectif est d’améliorer l'offre des institutions financières internationales, en revoyant notamment la façon d’aborder les questions de dette et d’allègement de la dette en cas de crise.
« En particulier en Afrique, la dette est remontée, ainsi que les taux, précise Thomas Melonio. L’un des enjeux du sommet est d’accompagner l’action du Club de Paris pour mettre en œuvre concrètement le cadre commun du G20 et permettre d’alléger le service de la dette principalement de quatre pays : Tchad, Zambie, Éthiopie et Ghana. »
- Favoriser le développement du secteur privé dans les pays à faible revenu
Comment accompagner au mieux la création d’entreprises pour stimuler un secteur privé qui recrute ? Ce groupe de travail s’est intéressé à la mobilisation de différentes ressources (financements locaux, institutions publiques, fonds privés…) et au développement d’initiatives qui ont déjà fait leurs preuves, comme l'Alliance pour l'entrepreneuriat en Afrique.
- Encourager l’investissement dans les infrastructures vertes pour la transition énergétique dans les pays émergents et en développement
En matière de logement, de santé, d’eau ou de transport, le développement a besoin de projets d’infrastructures. Mais ces infrastructures ne peuvent plus être conçues sans tenir compte des impératifs environnementaux. Comment faciliter les investissements dans des infrastructures durables ?
- Mobiliser des financements innovants pour les pays vulnérables au changement climatique
Différents mécanismes innovants peuvent permettre de mobiliser des ressources additionnelles en faveur des pays vulnérables au changement climatique : les marchés des crédits carbone, de nouvelles taxations sur les bénéfices de la mondialisation, des instruments de la dette tenant mieux compte des catastrophes naturelles…
Thomas Melonio précise : « Dans l’initiative Bridgetown, formulée lors de la COP27 par Mia Mottley, première ministre de la Barbade, les petits États insulaires, davantage exposés aux aléas climatiques, demandent un allègement automatique de leur dette en cas de catastrophe naturelle. Parmi les instruments innovants envisagés, on peut par exemple citer les prêts contenant des clauses climatiques : si le pays concerné est touché par un cyclone, ses annuités seront rééchelonnées automatiquement sur les années suivantes. »
Lire aussi : Pays en développement : un sommet à Paris pour relever le défi de la dette et du climat
Que sont les « droits de tirage spéciaux » ?
L’un des mécanismes de solidarité Nord-Sud est l’émission de droits de tirages spéciaux (DTS), des avoirs de réserve distribués de façon exceptionnelle aux banques centrales nationales par le FMI lors de crises économiques majeures. Mais cette allocation étant proportionnelle aux quotas détenus par chaque pays au FMI, et donc à leur poids dans l'économie mondiale, les pays africains, notamment, n’en perçoivent qu’une petite partie car leurs quotas sont bas.
En 2021, la France s’était engagée pour une réallocation de 100 milliards de DTS en faveur des pays africains, qui tarde à aboutir en raison de procédures complexes.
« Une partie des DTS pourrait transiter par des banques locales de développement, comme la Banque africaine de développement ou la Banque interaméricaine de développement, précise Thomas Melonio. En plus d’un volume de financement supérieur, si la réallocation des DTS passait par des banques régionales, cela renforcerait le poids de ces institutions et des pays qu’elles représentent dans la gouvernance mondiale. »
Pourquoi faut-il traiter de façon conjointe les questions de la lutte contre la pauvreté, de la décarbonation de l’économie et de la protection de la biodiversité ?
« Certains pays craignent que l’agenda de la lutte contre le changement climatique conduise à un abandon de la lutte contre la pauvreté, explique Thomas Melonio. Or, c’est une position très claire du groupe AFD : il est nécessaire de lutter contre le changement climatique et ses conséquences pour lutter contre la pauvreté. »
La lutte contre le changement climatique et la lutte contre la pauvreté sont compatibles, en particulier si les actions à mener sont bien réfléchies en amont, les solutions étant différentes selon les émissions, les revenus et le degré d’exposition au changement climatique de chaque pays.
« Aujourd’hui, il n’est plus envisageable par exemple de financer un projet de développement rural sans tenir compte des conditions climatiques de demain. À l’inverse, lorsque nous accompagnons la transition environnementale d’un pays, nous sommes très attentifs à ce qu’elle soit juste socialement. »
Lire aussi : Pacte financier mondial : quel rôle pour les banques publiques de développement face aux crises ?
En quoi ce sommet peut-il faciliter les négociations de la COP28 ?
Alors que 2025 et la fin de la période d’engagement en matière de finance climat approchent, et l’objectif des 100 milliards de dollars par an peinant à être atteint, que se passera-t-il ensuite ?
Les banques publiques de développement contribuent fortement à la finance climat (le groupe AFD apporte chaque année 6 milliards de finance climat), mais la part privée reste insuffisante.
Pour Thomas Melonio, « il est possible d’accroître le rôle de la finance privée en s'appuyant sur les banques publiques, c’est prévu par l’Accord de Paris. Si ce sommet met en avant la notion d’effet de levier, de volume de finances publiques et de mobilisation de la finance privée, il peut lever des obstacles à un niveau d’ambition plus élevé pour la suite. Il peut traiter des éléments nécessaires pour que la prochaine COP soit réussie. En cela, ce sommet est une étape majeure. »
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